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samedi 25 avril 2015

Quartier 3 — Destruction totale [critique]



          Derrière ce titre digne d'une réalisation Michael Bay se cache une pièce d'une grande subtilité. Dans un quartier résidentiel bien comme il faut, géré par l'association du quartier et peuplé de familles modèles, grandit un malaise. Les jeunes ne sortent plus, n'interagissent plus avec leurs familles. "Quartier" propose à ses joueurs un survival game peuplé de zombies et de manches de pioches, dans un environnement reproduisant avec une exactitude troublante leur quartier d'habitation. Au travers d'une succession de tableaux ouverts sur différentes maisons et familles, les fils de la trame se croisent peu à peu en un tout cohérent dont la signification reste pourtant voilée. Comme les yeux collés à la fresque que l'on assemble lentement, il faut attendre l'imbrication finale pour reculer, et contempler l'objet dans sa globalité.

          L'usage du médium vidéoludique est sagace. Quartier 3 traite des conflits générationnels, du doute existentiel, de la place que l'individu se donne au sein du magma social. Conflits, doutes, tourments irrésolus de par le stimulus ambiant. Les adultes sont hermétiques et les jeunes se réfugient dans leurs écrans.

          Cette pièce poignante est magistralement servie par la troupe. Les acteurs jouent différents rôles, en fonction des tableaux, tantôt l'un des adultes, tantôt l'un de leurs enfants. Dans un décor remarquablement fonctionnel, ils revêtent différentes peaux. Les situations ne sont pas figées, et adultes et jeunes sont au fond dans la même situation. La mise en scène peut compter sur une production lumière méticuleuse pour mener ce spectacle prégnant, effrayant, parfois même étouffant. Jeux d'ombres, black-out soudains, accessoires emblématiques à la portée incroyablement dense, tous les éléments fonctionnels de Quartier 3 trouvent leur place avec justesse. En résulte un équilibre frappant. L'ordre mécanique pour un univers où le chaos spirituel s'installe. Visuellement très beau, rythmé de façon trépidante, ce spectacle enveloppe son public et ne le laisse pas à la sécurité de son fauteuil. La menace lointaine des sirènes et la violence latente des corps viennent frapper le spectateur de plein fouet, égare sa conscience. La notion même de normalité est dissolue dans le flou de ces deux heures perdues dans la nuit. La nuit d'un théâtre autant que celle du quartier.

          Si Quartier 3 secoue autant, cela est sans nul doute à son épaisseur de sens. Les multiples réseaux d'informations qui parcourent le spectacle se complètent et convergent vers un discours commun. À mon humble avis, nous avons là une pièce d'une grande qualité à tous les niveaux. Je vous recommande chaudement de vous démener pour y assister avant la fin des représentations !
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Samedi 25 avril 2015 à 20h30
Dimanche 26 avril 2015 à17h.
Renseignements et réservations :
06 85 63 42 07 / resa@artusasso.fr

Distribution : Sylvain Cometti, Joséphine Comito, Estelle Delville, Morgane George, Clémence Guedron, Jérémy Gruser, Nicolas Marlot, Olivier Meunier, Cécile Mourier et Jimmy Patouillard

Mise en scène : Louise Huriet et Christophe Muller
Costumes : Joanne Haennel
Scénographie : Lino Pourquié
Création lumière : Thomas Fisseau
Création sonore : Thomas Billey
Maquillage : Laure Giroult et les élèves de l'Ecole Candice Mack
Régie lumière : Les stagiaires de l'atelier "Éclairage scénique" de l'ARTUS
Création graphique : Nicolas Marlot
Photographie : Xing Wei

Traduit de l’anglais (USA) par Emmanuel Gaillot
Texte publié aux Editions Espaces 34



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